Gunvor et l’État gabonais : entre souveraineté énergétique et fragilités budgétaires émergentes
- Glenn Scott
- il y a 17 heures
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Depuis près d'une décennie, le groupe suisse Gunvor entretient une relation financière stratégique avec l'État gabonais, particulièrement dans le secteur pétrolier national. Si ces accords ont permis des progrès notables en matière de souveraineté énergétique, ils révèlent également des vulnérabilités économiques importantes à ne pas négliger, notamment dans un contexte où la maîtrise de la dette publique constitue un enjeu majeur.
La structuration des financements pétroliers joue ainsi un rôle crucial dans l’équilibre macroéconomique du Gabon, particulièrement dans une période où la gestion optimale des ressources naturelles est essentielle à la soutenabilité budgétaire.
1. Gunvor au Gabon : une montée en puissance stratégique
L'entrée de Gunvor sur le marché gabonais en 2013, via une coentreprise de distribution pétrolière financée à hauteur de 500 millions de dollars, a instauré un modèle particulier basé sur des facilités de prépaiement liées à la production pétrolière. Ce mode de financement a permis de fournir des liquidités immédiates tout en renforçant progressivement l’influence du groupe suisse dans l’économie gabonaise.
2. Des montages financiers à double tranchant
2.1. Le rachat d’Assala Energy : une opportunité sous pression financière
En 2024, la Gabon Oil Company (GOC) réalise l’acquisition d’Assala Energy pour 1,055 milliard de dollars, avec un financement significatif de Gunvor à hauteur de 800 millions de dollars. Ce prêt, remboursable à hauteur de 240 millions de dollars par an sur cinq ans, équivaut à près de 5 % du budget national projeté pour 2025. Cette nouvelle charge s'ajoute à une dette publique déjà conséquente, estimée à environ 64 % du PIB selon les prévisions du FMI.
2.2. Acquisition des actifs de Tullow Oil : confirmation d’un modèle risqué
En 2025, la GOC poursuit sa stratégie en acquérant les actifs gabonais de Tullow Oil pour 300 millions de dollars, dont 220 millions financés par Gunvor selon des modalités similaires à celles utilisées pour Assala Energy. Cette multiplication des engagements augmente directement les pressions sur les finances publiques, limitant ainsi la flexibilité budgétaire.
3. Manque de transparence et risques de dépendance
L’opacité relative aux conditions précises des financements (taux d’intérêt, garanties collatérales, obligations de livraison) pose un problème de transparence. Cette absence de clarté accroît les inquiétudes quant à la portée réelle des engagements pris par l’État. De plus, la concentration des flux financiers autour d'un acteur unique accentue la vulnérabilité du Gabon face aux variations du marché pétrolier international.
4. Impact sur la dette et contraintes budgétaires
Les remboursements liés à ces financements pétroliers absorbent une part importante des ressources financières de l'État. Par exemple, les 240 millions de dollars annuels dédiés au remboursement du financement d’Assala Energy représentent près de 8 % des recettes pétrolières prévues pour 2025. En parallèle, le service de la dette extérieure prévue pour la même année est estimé à environ 2,5 % du PIB selon les données de la CEMAC, augmentant ainsi la pression sur la trésorerie publique.
Dans le scénario d'un choc pétrolier négatif (baisse prolongée des prix ou diminution de la production), la capacité du Gabon à honorer ses engagements serait gravement affectée, nécessitant potentiellement une restructuration ou un nouvel endettement.
5. La diversification comme stratégie de réduction des risques
Les expériences régionales démontrent que diversifier les partenaires financiers réduit les risques de dépendance. L’Angola, en impliquant plusieurs partenaires commerciaux, et le Nigéria, avec des consortiums bancaires diversifiés, se sont montrés plus résilients face aux chocs externes. À l’opposé, une forte concentration des financements avec un seul partenaire, comme observé dans certains pays d’Afrique centrale, augmente la fragilité financière.
Conclusion : combiner souveraineté énergétique et stabilité budgétaire
Si les financements obtenus auprès de Gunvor ont permis au Gabon de renforcer son contrôle sur des actifs stratégiques, il est désormais crucial d'intégrer une stratégie claire de diversification financière, une meilleure transparence contractuelle et une gestion proactive des risques liés à la dette.
Dans un contexte économique mondial de plus en plus incertain, l'un des défis majeurs du Gabon sera de trouver l'équilibre entre ses ambitions pétrolières et la soutenabilité à long terme de ses finances publiques.
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